Il est un sujet qui trouve toujours un moyen pour avoir une place dans les
éditoriaux. Atteindre une telle performance relève d'une sorte d'exploit en ces temps de surmédiatisation. La raison de ce "succès" est curieuse, l'absentéisme, c'est de lui dont il s'agit, est un casse tête à plusieurs faces. Il y a bien-sûr en premier lieu l'absentéisme des salariés du public et du privé. Sujet de discorde et de clivages quasi ancestraux s'il en est. Depuis, peu il y a également l'absentéisme des élèves et son cortège de mesures plus ou moins coercitives. Quand l'attrait médiatique baisse, certains élus et notamment députés trouvent le moyen d'inverser la tendance lorsque sortent des chiffres d'assiduité à faire pâlir un directeur d'établissement. Et puis bien-sûr, à intervalles réguliers, nous nous interrogeons sur l'abstention, c'est à dire l'absentéisme des bureaux de vote. Sur ces sujets, tout le monde a son avis. Tout le monde, ou presque, puisque bizarrement les acteurs autorisés et légitimes, les chercheurs, semblent peu intéressés par ce sujet. Une recherche sur le fichier central des thèses (theses.fr), indique en effet qu'il y a eu 28 thèses soutenues ou en préparation sur ce sujet sur la période 2002-2012, ce qui est très faible. En comparaison il y a eu près de 2500 thèses avec le mot stress sur la même période... Plus surprenant encore, sur la base de référence Psychinfo, le mot "absenteeism" n'indique que 320 publications (documents disponibles en texte intégral, qui ont des références et qui ont été validés par un comité de relecture) sur une période de 30 ans débutant en 1982. Et sur ces 320 documents, il n'y a qu'une seule méta-analyse et 7 études longitudinales. Tout se passe donc comme si ce sujet de société était à peu près autant étudié que la migration des oies cendrées au XIX ème siècle ! Pour finir la description de ce curieux tableau, la majorité des travaux répertoriés traitent du sujet selon une approche individuelle plutôt qu'organisationnelle. Tel est le paradoxe de l'absentéisme, sujet de société très médiatisé mais peu étudié. Dans ces conditions il n'est pas surprenant qu'il demeure incompris. Pourquoi l'absentéisme est-il peu étudié ? Peut-être en raison de l'existence de certitudes concernant ses causes. Par exemple, une croyance tenace propose une explication simple et consensuelle : l'absentéisme professionnel serait dû aux profiteurs et autres fainéants. Dans la réalité cependant les statistiques démontrent que ces causes, si elles existent bel et bien, sont d'importance marginale. Comment alors comprendre l'absentéisme ? La performance au travail, la satisfaction et l'implication dépendent de l'équilibre ou du déséquilibre perçu par le salarié entre ses contributions et ses rétributions. Les salariés raisonnent alors par comparaison. Qui n'a pas entendu un de ses collègues se plaindre qu'un autre avait eu une prime, des congés au mois d'août ou une promotion alors « qu'il en faisait moins » ? Si le salarié a la perception (ou le sentiment) que ses rétributions baissent ou sont insuffisantes, il pourra alors réagir de plusieurs façons. Il changera peut-être de référentiel de comparaison, ou, alternative problématique, il réévaluera ses contributions en demandant par exemple à être augmenté en proportion de ses efforts. Chacun cherche donc par tous les moyens possibles à rétablir cet équilibre. Dans cette situation d'échange social qu'est le monde du travail, si l'entreprise attend du salarié qu'il accomplisse ses obligations contractuelles et dépasse les objectifs fixés, le salarié attend pour sa part que l'entreprise le récompense pour ce à quoi il a contribué1. La notion de réciprocité et le principe d'équité occupent alors une place centrale dans les relations professionnelles, y compris dans leurs représentations symboliques. L'absence de juste rétribution à l'investissement en heures supplémentaires pourrait alors expliquer en partie l'augmentation de l'absentéisme dans les entreprises. Source : RH Info 1 Steiner, D.D.(2006). Equité et justice au travail. Dans J. Allouche (Ed.), Encyclopédie des ressources humaines, 2nd Edition (pp.389-396). Paris : Vuibert
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Juin 2024
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